Les violences fondées sur le genre, facilitées par la technologie en Tunisie

Les violences fondées sur le genre, facilitées par la technologie en Tunisie

Par Naila Zoghlami, Présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD)

« Tant de violences, de crimes et de délits auraient pu être évités si leurs 
auteurs avaient été pénalisés ou au moins éduqués aux droits humains », BUTLER Judith

Introduction

Même si la Tunisie est considérée comme pionnière dans le monde arabe en matière de droits des femmes depuis l’adoption en 1956 du Code du statut personnel, ayant aboli la polygamie, instauré le droit des femmes à demander le divorce et bien d’autres acquis en matière de l’éducation des filles et le travail des femmes, cela n’empêche que la bataille des droits des femmes à l’égalité effective devant la loi et dans la loi et leur émancipation citoyenne, est loin d’être finie. Il est préoccupant de constater que malgré ces avancées initiales en matière de droits des femmes en Tunisie, il semble y avoir un recul dans certaines politiques. La remise en cause de l’obligation de parité dans les candidatures et la suspension de la circulaire 73 qui permet aux femmes musulmanes tunisiennes d’épouser les non musulmans, sont des régressions inquiétantes.

Malgré leur rôle dans la reconfiguration de l’espace public au cours des deux dernières décennies, les réseaux sociaux comportent également des défis qui ne sont pas dénués de dérives et de risques représentés par des informations fausses et trompeuses et des violations de la vie privée. De ce fait, les réseaux sociaux sont parcourus par la violence sous ses diverses formes, dont la violence basée sur le genre représente l’une de ses caractéristiques les plus remarquables en l’absence de politiques publiques claires et de lois dissuasives. En effet, il n’existe pas actuellement un texte juridique qui traite la question de violence à l’égard des femmes et facilitée par la technologie. Les références législatives relatives à la violence en ligne, tout genre confondu, sont réparties dans différents textes juridiques qui traitent les deux questions d’une manière séparée et sectorielle. «L’examen du cadre juridique révèle que, s’il existe divers textes cloisonnés pouvant être appliqués dans les crimes de violence basée sur le genre et facilitée par la technologie, le manque de clarté juridique signifie que l’efficacité des poursuites dépend de la jurisprudence des juges»[1].

Les progrès réalisés sur le chemin de l’égalité entre hommes et femmes en Tunisie par rapport à des contextes similaires dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, n’ont pas pu relever les défis auxquels sont toujours confrontés les droits des femmes tunisiennes, entravant leur ambition de libération et d’égalité. Le plus grave défi qui s’affiche aujourd’hui à l’encontre des femmes est celui de la propagation quantitative et qualitative des violences basées sur le genre qui ne se limitent plus aux formes classiques[2]. Le phénomène s’est étendu à l’espace numérique, pour générer un type de violence cybernétique dont les conséquences ne sont pas moins dangereuses affectant la vie privée que publique des victimes et les chassant de de toute participation active dans la sphère civile, professionnelle ou politique.

La violence envers les femmes dans l’espace numérique n’a fait l’objet d’études de terrain que récemment, et il a fallu attendre la dernière décennie pour que murissent certaines hypothèses liées à la spécificité de ce type de violence et non comme une simple extension d’autres violences[3] bien connues telles que la violence urbaine, la violence familiale ou la violence scolaire, mais plutôt comme une forme ayant des caractéristiques qui la qualifient comme un phénomène à part entière. Toutefois, ce qui augmente la difficulté méthodologique et théorique de l’étude de cette forme particulière de violence, c’est qu’elle est à cheval sur deux domaines de recherche : Violence de genre et violence numérique. Au fait, qu’est-ce que la cyberviolence ? Quelles sont les formes des violences digitales que subissent les femmes ? Et surtout que prévoit la loi à l’encontre de ces « cyber-agresseurs » ?

  1. Le contexte d’aujourd’hui

La crise à multiples facettes qu’a connue la Tunisie durant ces dernières années et le contexte socio-économique difficile que traverse le pays, engendrent plusieurs dérives autoritaires et transgressions des droits humains. Ce qui confirme bien la fragilité des acquis réalisés sans pour autant résoudre les problèmes hérités. La crise politique profonde a touché le système politique, le cadre légal, les élections et à plusieurs aspects de la démocratie mettant de côté les droits des femmes, remettant en cause la parité dans la loi électorale, faisant le silence sur l’augmentation des violences accrues envers les femmes y compris la violence numérique et ignorant les féminicides des dernières années. Sur le plan politique et des libertés fondamentales en particulier, les abus ont été régulièrement observés aussi bien sur le plan sécuritaire que sur le plan des mesures judiciaires compromettant les libertés fondamentales, d’expression, de réunion, d’exercice du droit syndical et du droit à une justice équitable.

De nombreux opposants politiques, activistes, syndicalistes, féministes journalistes, hommes d’affaires sont aujourd’hui en prison sans inculpation claire et sans soutiens juridiques, ainsi que de nombreux réfugiés qui ont quitté le pays telles que Bochra Belhaj Hmida à la suite des poursuites politiques et judiciaires. Atteignant la sphère numérique, la violence politique et institutionnelle subie par les militantes féministes et les défenseuses des droits des femmes témoigne des atteintes aux droits fondamentaux, comme le droit à un procès équitable et à la liberté de déplacement. Pour détourner l’attention de l’opinion publique des vrais problèmes et de la violation des droits politiques et cédant aux exigences des politiques européennes d’immigration, des discours racistes et haineux se développent depuis l’année dernière. Leurs conséquences ont été immédiatement suivis par une campagne sécuritaire contre les immigrant.es subsaharien.es en Tunisie déjà touchés par la précarité, la discrimination et la stigmatisation dans un pays qui fut pourtant le premier à abolir l’esclavage dans la région et bien avant plusieurs autres pays dans le monde. Plusieurs de nos ressortissants africain.es étudiant.es, migrant.es et demandeur.ses d’asile vivant dans la précarité se voient stigmatisé.es et discriminé.es par des discours racistes mettant leur vie en danger par des actes abusifs du travail, déjà précaire, et de « chasse à la sorcière ».

Sur le plan économique et social, la situation est encore plus critique. Les différents gouvernements qui se sont succédés après la révolution n’ont jamais réussi à changer le modèle économique, qui a déjà révélé, depuis longtemps, ses défaillances et son incapacité à répondre aux attentes et aspirations des Tunisien.ne.s, en matière de création d’emplois dignes, de respect de l’ensemble de leurs droits socio-économiques et en vue de la réduction des disparités régionales, sociales et entre les genres. Faute de bonne gouvernance, et de décision politique clairement conçue et assumée, le recours systématique aux bailleurs de fonds internationaux a engendré un endettement massif et croissant, entravant le développement durable des ressources économiques du pays en matière de devises jusqu’à menacer la souveraineté nationale. La pauvreté qui touche plus les femmes et les jeunes a augmenté affectant la vie quotidienne déjà mise à mal par l’augmentation du taux d’inflation, par la détérioration de la monnaie locale et en raison des pénuries observées au niveau des produits de première nécessité et de certains médicaments. Les disparités économiques et sociales auxquelles les femmes tunisiennes sont confrontées, notamment le taux de chômage élevé parmi les femmes diplômées universitaires. La Tunisie est classée parmi les derniers pays en matière d’égalité économique et sociale entre les sexes, avec des femmes souvent contraintes d’accepter des emplois précaires et sous-rémunérés.

En plus des défis politiques, socio-économiques et culturels, nous appréhendons une sécheresse jamais constatée depuis un siècle, et l’absence de toute politique publique sur les changements climatiques risque de mettre la Tunisie dans un stress hydrique parmi le plus grave de la planète, qui va affecter l’ensemble du secteur agricole, un secteur stratégique pour l’économie qui fait travailler le plus grand nombre de la main d’œuvre féminine sans aucune protection professionnelle ou sociale. 

Incapable de gérer la situation alarmante, le gouvernement en place est complètement insoucieux et inconscient de l’impact de cette crise sur les droits des femmes et leurs vécus de plus en plus en régression et avec des politiques sans résultats tangibles sur le quotidien des citoyen.es, L’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne rentre pas dans les priorités du gouvernement peu pressé de marquer le moindre engagement, la moindre avancée dans ce domaine. La dégradation notable des droits des femmes et la montée de la violence à leur égard soulèvent de sérieuses interrogations quant aux autres dispositions légales discriminatoires qui doivent encore être réformées, telles que l’inégalité en matière d’héritage, les relations entre personnes de même sexe, ainsi que les droits des différentes minorités sexuelles et religieuses qui sont encore incertains.

Malgré les avancées significatives réalisées en Tunisie en matière des droits des femmes par rapport à d’autres sociétés de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, il n’en demeure pas moins que la vulnérabilité, l’exploitation et l’insécurité des femmes tunisiennes sont parmi les constats les plus remarqués surtout en périodes de crises. En effet, ni la ratification des conventions internationales (CEDAW, STAMBUL…), ni l’adoption de la loi n°58 du 2017 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants, la première en son genre en Afrique du Nord et dans le monde arabe, n’ont pas pu empêcher la montée des violences de genre, particulièrement les violences conjugales et récemment les féminicides (27 cas seulement en 2023 et 8 cas jusqu’au juin 2024). Ce paradoxe révèle une problématique confrontée aussi bien par les acteurs publics et civils que par les sociologues spécialistes des questions de genres, témoignant, ainsi, de la fragilité des acquis en faveur des femmes et d’une « résistance sociale » aux droits égaux des genres sociaux tant sur le plan politique que sur le plan socioéconomique et culturel.

Même si les violences à l’égard des femmes et des filles sont de plus en plus observées à l’échelle mondiale, le contexte tunisien révèle une hausse inédite du phénomène tout au long des dernières années. La pandémie Covid-19 est venue confirmer l’hypothèse selon laquelle les crises économiques, politiques et sanitaires amplifient davantage les violences contre les catégories les plus dominées ou exclues telles que les femmes, les jeunes, les enfants, les porteuses de handicaps et les minorités. En effet, et parallèlement aux violences traditionnelles dans les espaces privés et publics, d’autres formes plus répandues et plus dangereuses de violences faites aux femmes ont pris des allures néfastes dans le contexte actuel, à savoir les violences socioéconomiques, les cyberviolences et les violences conjugales suivies de féminicides. Souvent négligées par les politiques publiques et sous-estimées par la majorité des associations féminines et féministes, les violences socio-économiques subies par les femmes, n’en sont pas moins porteuses de violations des droits fondamentaux, générant ainsi d’autres formes de violences.

Outre la discrimination en matière d’éducation, de travail, de couverture sociale et d’accès aux postes de décision, qui représente en soi une violence symbolique, de nombreuses catégories féminines sont exposées à des formes de violences invisibles fondées sur le genre, comme les mères célibataires, porteuses de handicaps, patientes dans les hôpitaux publics, détenues dans les prisons sans soutien familial, femmes âgées, femmes de ménages couchantes, travailleuses du sexe et bien d’autres.

D’un point de vue sociologique, la justification et la légitimation de ces violences trouvent leurs origines discriminatoires dans les systèmes de socialisation éducative, familiale et médiatique nécessitant des études plus profondes. Si les victimes ne sont pas encore nombreuses à dénoncer leurs agresseurs, énormément de cas de violences restent loin d’être repérés par les intervenants étatiques et associatifs, tels que violes conjugales, inceste et harcèlement dans les milieux éducatifs et professionnels, pourtant délimités via des thèses de doctorat en sociologie qui sont abandonnées dans les bibliothèques universitaires. A ce niveau, la recherche sociologique pourrait également apporter des réponses précises non seulement sur les défaillances des mécanismes de protection (police, hôpitaux, justice, lignes vertes, associations), mais aussi sur les contraintes sociales et les pressions familiales empêchant la victimisation des femmes et la pénalisation des agresseurs. Quant à l’inégalité d’accès à la justice, la discrimination dans les processus judiciaires et le conflit de certaines lois relatives aux droits des femmes voire les déficits du système judiciaire, demeurent parmi les facteurs favorisant l’impunité dans plusieurs cas d’atteinte aux droits des femmes qui sont particulièrement en situations de péril imminent.

  1. Méthodologie

Le présent rapport peut être classé dans la catégorie de Recherches Action du fait qu’il vise en premier lieu à faire participer les activistes concernées à diagnostiquer l’état des lieux des violences basées sur le genre et facilitées par les nouvelles technologies, à partir de leurs positions de militantisme, de responsabilité et de médiation d’opinion publique. En adoptant une méthode descriptive analytique, à la fois qualitative et quantitative, et une approche participative, le diagnostic envisagé, sera étalé sur trois grandes étapes en utilisant une méthodologie qui se place dans une position d’écoute des acteurs concernés et se base en première étape, sur les travails antérieurs en la matière, les observations du terrain, et sur les rapports de suivi et d’évaluation relatifs. En deuxième étape, c’est la récolte des données, aussi bien quantitatives que qualitatives, qui sera mise en action par la documentation au sein des organisations de la société civile, les entretiens semi-directifs et les témoignages des victimes. Enfin, pour la dernière étape, il s’agit de décrire et analyser les données recueillies suivant des axes d’intérêt impliquant les violations numériques et les abus dégagés à travers les études, les rapports des organisations de la société civile et les témoignages aussi bien des victimes que des écoutantes des Centres d’Ecoute et d’Orientation de l’ATFD.

Il faut noter à ce niveau que la plupart des responsables contactés ont refusé de participer à ce diagnostic que ce soit en fournissant les données requises relevant de leur domaine de spécialité, en participant à des entretiens, ou en répondant aux questions posées, ce qui contredit le principe d’accès à l’information, qui est régi par la loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information[4].

D’autre part, la méthodologie utilisée dans le présent rapport, prendra en considération la nature du sujet traité et la particularité des acteurs objet d’investigation dans le cadre d’une approche accordant une attention particulière aux catégories des femmes les plus exposées aux violences basées sur le genre et facilitées par les nouvelles technologies de communication. Il s’agira d’investiguer sur les actrices concernées tels que les femmes activistes, de la société civile, minorités, femmes victimes de violences et immigrantes en situation non régulière. D’autres témoignages, déclarations et données utiles ont été recueillis par recherche électronique des sites web et des pages Facebook (associations, ONG, collectifs, médias…) tout en garantissant la crédibilité, la transparence et la fiabilité des sources utilisées.   

Le présent rapport comporte, outre l’introduction et le contexte général, trois grandes parties : la première sera concernée par le transfert des violences basées sur le genre des sphères physiques aux supères virtuels, la deuxième s’intéressera aux violences numériques concrètes à l’égard des femmes : types et formes. Avant de traiter des effets des violences numériques à l’égard des femmes, le rapport débouchera sur une conclusion et un ensemble de recommandations qui peuvent être utiles pour continuer à intervenir aux niveaux de la sensibilisation, de la mobilisation et du plaidoyer afin de promouvoir les droits des femmes en tant que pratiques quotidiennes mais également en tant que culture et conception aussi bien chez les responsables que chez les cityoen.nes gouverné.es. En effet, les résultats du diagnostic et les recommandations du rapport final serviront d’outil d’évaluation de l’état des droits des femmes, de mobilisation de l’opinion publique et de plaidoyer ayant pour objectif l’évolution des politiques publiques en matière des droits des femmes vraisemblables fragilisés en périodes de crises.

Il s’agit également de classer les types de violence numérique dirigée contre les femmes, d’en révéler les formes qui les piègent dans cet espace virtuel, et d’en saisir les effets sur les victimes au niveau des coûts psychologiques et sociaux et des déterminants techniques et sociologiques approuvés sur le terrain de la recherche. La violence sexiste à l’égard des femmes est définie depuis les années 1990 comme « tout acte de violence contre le genre féminin et susceptible d’entraîner un préjudice ou une douleur physique, sexuelle ou psychologique, y compris les menaces, la coercition et la privation de liberté personnelle, qu’elles soient liées à la vie privée ou publique»[5]. Elle constitue un moyen de surveillance des femmes, quel que soit leur situation sociale, professionnelle ou la catégorie d’âge auquel elles appartiennent, et trouve ses racines dans les rapports de force inégaux entre femmes et hommes, engendrant l’un des obstacles à la véritable égalité entre les sexes[6].

  1. Violences numériques : Définitions et approches

D’après certaines théories sociologiques, toute violence est fondée sur une relation de pouvoir ou de domination exercée à partir de l’emprise physique, mentale ou symbolique lorsqu’il s’agit d’imposer la volonté d’une personne ou d’un groupe à autrui et de le dominer dans le but de l’humilier et d’éviter toute prétendue résistance. Toutefois, la violence prend des formes singulières et des effets néfastes lorsqu’il s’agit des relations entre les sexes selon les contextes sociaux et culturels du patriarcat. La sphère privée comme la sphère publique, ne protègent pas les femmes de la violence de genre sous ses diverses formes, quel que soit le capital professionnel, culturel et symbolique des victimes. A l’image des espaces physiques, l’espace virtuel constitue, à son tour, un lieu préféré pour les agresseurs des femmes surtout lorsque certaines veulent s’affirmer et affirmer leur indépendance en dehors du cadre de la tutelle masculine.

La notion de cyberviolence ou violence numérique ou électronique fait référence à des actes de violence médiatisés par les outils numériques, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, des applications de partage de photos, ou de commentaires sur Internet, quels que soient les sites utilisés. D’après certaines chercheuses en la matière, « le terme cyberespace pour désigner le domaine dans lequel se produit ce type de violence qui cible des individus, des groupes ou des institutions par des moyens technologiques »[7]. La violence numérique est donc un type de violence perpétré à l’aide de moyens modernes de technologie de communication, de médias sociaux, de smartphones, de courriers électroniques, de messages texte et d’autres moyens visant à nuire à des individus ou à des groupes dans un but de domination et d’exclusion. Quant à la violence numérique basée sur le genre, elle comprend tous les actes préjudiciables qui ciblent les femmes en raison de leur genre, tout en utilisant les outils cybernétiques suivant les représentations sociales fondées sur des modèles stéréotypés de leurs rôles inférieurs ou discriminatoires. C’est leurs statuts sociaux de dominées qui déterminent ces représentations et ces attentes quant aux réactions socialement configurées vis-à-vis des actes de violence conduisant à infliger un préjudice, une insulte et une humiliation à la victime et provoquant, sur le plan individuel, des effets psychologiques tels que la peur, la frustration, la culpabilité ou/et même la douleur physique dans plusieurs cas[8].

Dans le contexte du système patriarcal, les femmes sont victimes des rapports de domination entre genres, elles subissent davantage une variété d’abus de la part des hommes : insultes, violences psychologiques, physiques et économiques, viols, féminicides, politiques restrictives en matière d’avortement… C’est ce qu’on peut appeler « le continuum de violence » dont le cyberharcèlement en est un parmi tant d’autres régnant dans « l’espace public hors ligne »[9]. L’espace numérique permet à des personnes, qu’on n’entend pas il y a quelques années, d’obtenir aujourd’hui de grandes audiences. Car auparavant, pour obtenir le droit à la parole, il était nécessaire de passer par la presse écrite ou par la télévision, qui nécessitent une formation académique et de notoriété.

Comme de nombreuses formes de violence patriarcale exercées dans la vie réelle sur les enfants, les porteur.ses de handicaps, les femmes et les personnes d’orientations sexuelles différentes, la violence cybernétique basée sur le genre n’est pas seulement définie par l’intention de l’auteur lorsqu’il s’agit de motifs punitifs, disciplinaires ou même narcissiques pour prouver sa virilité, mais également par ses effets tangibles ressentis par les victimes. La violence numérique vise, entre autres, à exclure les femmes de la participation virtuelle refusant toute opinion ou attitude libertaire ou même différente pouvant exprimer une identité féminine éventuellement rebelle contre la domination masculine. Par conséquence, il n’est pas possible de séparer la violence réelle de la violence numérique, ni au niveau des causes et des motifs, ni au niveau des effets et des résultats, car certaines études et rapports ont montré que de nombreux cas de violence numérique contre les femmes ne se limitent pas aux agressions sur le réseau, mais elles sont souvent le point de départ d’autres formes de violences directes physiques ou non physiques dans la vie réelle[10]. Néanmoins, ces dernières se déplacent, le plus souvent, vers l’espace numérique pour poursuivre la chasse à la sorcière des victimes de genre[11], par la diffamation des femmes, l’incitation à la misogynie et la justification à travers les commentaires comme les agresseurs ne se contentent pas d’un seul type ou d’une seule forme de violence à l’égard des femmes afin de maintenir le contrôle patriarcal.

Selon les rares recherches effectuées en Tunisie montrent que des cercles de connaissances se créent virtuellement et remplacent peu à peu les sociabilités habituelles : « les notions de proximité et d’intimité ont acquis une nouvelle portée avec Facebook »[12]. De ce fait, la représentation de soi que l’on donne sur les réseaux sociaux et l’identité que l’on construit sur la toile réunissent en fait deux pôles : l’intime (relation à soi) et l’externe (relation à autrui). D’où le terme de « extimité » adopté par certains chercheurs : « l’extime, ou l’intimité exposée, ne serait pas une conséquence inéluctable des réseaux sociaux mais un usage résultant d’une confusion de cet espace public avec un espace privé ».[13]

A cause de la fréquentation massive des réseaux sociaux, le chambardement du privé et du public tend souvent à changer les attitudes des jeunes usagers qui ne seraient pas à l’abri de « certains comportements qui peuvent s’avérer «incorrects», «provocateurs» voir même agressifs.  A distance, certain.es usager.es se permettent de franchir les distances d’intimité de leurs « ami.es » rencontré.es en ligne sans, pour autant, respecter les normes éthiques, déontologique et morales pour que l’usage des TIC peut devenir un moyen de renforcer les stéréotypes, un moyen de pressions et de domination. De ce fait, les pratiques numériques créent chez les jeunes de nouveaux risques dont celui de subir le harcèlement, le dénigrement, la diffamation, les insultes et jusqu’aux propos haineux, l’incitation au suicide, voire des menaces de mort. Toutefois ces violences en ligne sont le prolongement d’autres formes de violences de la vie quotidienne, transportant ou presque, les mêmes agresseurs et les mêmes victimes et véhiculant les formes de dominations vécues réellement par genres sociaux et dont les femmes seraient les plus ciblées.  Bien que les violences numériques maintiennent le plus souvent les caractéristiques des violences directes, elles s’avèrent, d’après les rares études effectuées sur le sujet, porteuses des effets plus durables et plus douloureux tout en empruntant ce qu’il y a de plus négatif dans les préjugés, les stigmatisations et les discriminations sociales à l’égard des personnes et des groupes. Elles comportent diverses formes comme des rumeurs, calomnies, diffusion d’images ou de vidéo, etc., à caractère sexuel, érotique ou obscène[14], qui sont diffusées arbitrairement sur la toile à travers des messages et commentaires incontrôlables et sans crainte des conséquences d’être traqué.

Eric Weil avait considéré que la violence rejette l’altérité, même si la logique de ses manifestations ne suivait plus la même logique qui régissait la violence traditionnelle, en renvoyant à des références modernes et en se répandant lorsque la logique du dialogue et du débat entre composantes sociales opposées est loquée[15]. À ce niveau, la violence contre les femmes résulte de la peur de l’autre féminin envahissant le narcissisme du soi masculin et la menace des privilèges historiques par rapport à une situation antérieure vécue ou représentée. Ainsi, cette violence est une réaction au processus de libération féministe et de rébellion contre l’hégémonie masculine et la tutelle patriarcale. La normalisation de cette violence sous ses diverses formes est généralement le résultat de sa fréquence, au point qu’elle en est venue remplacer de nombreux moyens d’expression masculine et d’estime de soi patriarcale, représentant une sous-culture masculine bénéficiant de la sympathie et de la complicité de nombreux hommes appartenant à divers groupes sociaux.

Si la violence directe suppose une relation directe entre agresseur et victime et une présence physique simultanée dans le même espace morphologique, la violence numérique peut être dirigée, à distance, contre toute personne choisie par l’agresseur de manière intentionnelle ou arbitraire simplement en raison de sa présence distinguée sur un réseau social, même s’il ne la connaît pas ou ne l’a jamais rencontrée.

Cadre juridique

Les violences numériques basées sur le genre se reproduisent dans la société tunisienne où la violence de genre touche près d’une femme sur deux et malgré les avancées législatives, violences et harcèlements sexuels à l’égard des femmes persistent[16]. Cette violence a quintuplé pendant la période de pandémie du Covid 19 comme en témoignent les données officielles du Ministère de la Femme, de la Famille de l’Enfance et des Seniors ainsi que celles des associations. Selon les estimations des centres d’écoute, d’orientation et d’hébergement des associations ATFD, AFTURD, AFC/Le Kef, les plaintes pour cyber harcèlement sexuel représenteraient plus du tiers des consultations au cours de l’année 2020.  Pourtant, Il n’y pas de cadre juridique spécifique qui sanctionne les violences numériques basées sur le genre. La loi 58-2017 du 11 Aout 2017 sanctionne la violence en ligne et le harcèlement sexuel. Pour ce qui est du harcèlement sexuel cette loi précise :

Article 226 ter(nouveau) : « Est puni de deux (2) ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq (5) mille dinars celui qui commet le harcèlement sexuel. Est considéré comme harcèlement sexuel toute agression d’autrui par actes ou gestes ou paroles comportant des connotations sexuelles qui portent atteinte à sa dignité ou affectent sa pudeur, et ce, dans le but de l’amener à se soumettre aux désirs sexuels de l’agresseur ou ceux d’autrui, ou en exerçant sur lui une pression dangereuse susceptible d’affaiblir sa capacité à y résister ». Le harcèlement sexuel un délit pénal et cette loi représente une avancée par rapport à la précédente loi de 2004-73 du 2 août 2004, qui modifiait et complétait le Code pénal mais qui faisait l’amalgame entre la répression du harcèlement sexuel et les atteintes aux bonnes mœurs12. Mais, malgré ses acquis, la loi 58-2017 ne permet pas par exemple aux victimes d’obtenir du juge d’instruction d’arrêter une campagne de lynchage sur Facebook. Quant à la Loi n° 2001-1 du 15 janvier 2001 portant promulgation du code des télécommunications, elle prévoit des sanctions générales : « Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à deux (2) ans et d’une amende de cent (100) à mille (1000) dinars quiconque sciemment nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications » (Article 86)

  1. Les violences basées sur le genre : des sphères physiques aux sphère numériques
  2. Transfert des violences de genre sur la sphère numérique

La violence contre les femmes, particulièrement dans le cadre de la famille, reste un grave problème en Tunisie. Selon les récentes enquêtes, 66% des femmes interrogées avaient été victimes d’une forme de violence au moins une fois dans leur vie. Parmi celles-ci, un tiers avaient été victimes de violence physique, 28,9% de violence psychologique et 15,7 % de violence sexuelle. La grande majorité de celles qui avaient été victimes de violence sexuelle (78,2 %) ont déclaré que leur partenaire intime en avait été l’auteur. Bien que la violence familiale soit reconnue comme un crime, plus de la moitié des femmes qui en ont été victimes déclarent qu’elles ne l’ont pas signalé à la police ou à quiconque car il s’agit pour elles de « faits habituels qui ne valent pas la peine d’être discutés ». D’autres ont expliqué cette attitude par le fait de ne pas vouloir faire honte à leur famille et à leurs enfants. Toutefois, celles qui signalent les violences à leur égard, déclarent souvent que la police les dissuade de porter plainte en leur convaincant de penser d’abord au bien-être de leurs enfants et préserver leur famille. D’autre part, l’infrastructure limitée, l’insuffisance des ressources humaines et l’absence de budgets nécessaires, font partie des défis auxquels sont confrontées les politiques publiques pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Les foyers d’hébergement d’urgence des victimes, par exemple, sont rares ce qui empêche ces femmes de chercher à obtenir justice car elles n’ont nulle part où se réfugier.

En effet, six ans se sont écoulées depuis l’adoption de la loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des enfants en Tunisie qui a été le fruit d’un long combat de la société civile et des association féministes contre la violence à l’égard des femmes en Tunisie. Pourtant, cette loi demeure partiellement appliquée et peu de ressources sont disponibles pour sa mise en œuvre. D’après les centres de violence de l’ATFD, un très grand nombre de femmes continuent à subir de graves violences de la part de leur conjoint et d’autres membres de la famille où elles se trouvent privées de la protection et de l’assistance légalement dues par les autorités. D’ailleurs, le président et son gouvernement n’ont pas ratifié certains textes internationaux qui protègent les femmes contre la violence, comme la Convention d’Istanbul relative à la lutte contre toutes les violences faites aux femmes. De fait, les femmes tunisiennes sont actuellement au bord du gouffre où elles souffrent d’une explosion de la violence à leur égard, d’une régression de leur rôle dans la vie sociale et politique et de l’absence d’une réelle volonté politique de renforcer leurs droits et leur protection.

Le nombre des féminicides à presque doublé entre 2022 et 2023 passant de 14 à 27 alors que pendant seulement le premier trimestre de 2024, on a pu recenser 8 femmes ont été tuées par leur conjoint ou leur ex. A chaque fois que ces meurtres tragiques se récidivent, la mobilisation s’organise du côté des féministes et des ONG, et les victimes sont rapidement oubliées et négligées de la part des politiques publiques, jusqu’à ce que de nouveaux drames surviennent. La loi-58 a également renforcé le droit des victimes au soutien, à un suivi médical et psychologique, mais seuls des certificats médicaux sont délivrés gratuitement. En effet, les frais des consultations médicales, les difficultés de transport, les frais des dossiers et les honoraires d’avocat risquent d’empêcher les victimes d’accéder à la justice. Ces difficultés sont aggravées par le fait que les affaires ont tendance à trainer devant les tribunaux pour de longues périodes, ce qui rend la justice encore plus insaisissable.

Selon les textes législatifs et les études menées sur le sujet, la cyberviolence à l’encontre des femmes se définit, comme étant « toute agression ou menace d’agression physique, morale, sexuelle ou économique faite à l’encontre des femmes au motif d’une discrimination basée sur le sexe en faisant usage des moyens numériques ». Le Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (CREDIF) a réalisé en 2019 une étude sure : « la violence digitale à l’égard des femmes : le cas Facebook », estimant que «89% des femmes tunisiennes ont été confrontées, d’une manière ou d’une autre, à des violences en ligne ou en ont été victimes ». Selon la même étude, Facebook est devenu « un espace virtuel où se propagent les discours d’humiliation à l’encontre des femmes à plusieurs niveaux ».  L’utilisation des mots exprimant un jugement moral pourrait donner l’impression que la violence numérique à l’encontre des femmes règne en toute impunité, citant comme exemple le terme « pute », qui représente 52% des d’insultes[17]. Quant à la violence commise à cause de l’apparence physique, nous trouvons notamment les insultes au nom d’animal (78%). Des injures relatives au niveau intellectuel des victimes ont été aussi révélées dont les termes les plus utilisés sont : « tu es malade » (47%) et « tu es un animal » (36%). Le mot « Bayra » (vieille fille) est aussi l’une des injures les plus utilisés pour intimider la femme à cause de son état civil. Les auteurs de ces violences ont eu recours le plus souvent au terme « mécréante » portant atteinte à la liberté de croyance des femmes.

Selon la même étude, les femmes interrogées ont subi 51%, des violences verbales sur Facebook, 24% d’entre-elles ont été victimes d’harcèlement sexuel et 19% des victimes ont subi un harcèlement moral. La violence digitale pourrait prendre d’autres formes plus choquantes : l’utilisation des photos et vidéos personnelles, les insultes à cause d’une opinion ou des appartenances politiques, la mise en ligne publique des rumeurs visant la vie privée, et l’envoi de messages (téléphone, courrier électronique, réseaux sociaux) contenant des images à caractère sexuel ou la diffusion d’images portant atteinte à la vie privée. D’autre part, l’étude a relevé que les jeunes sont davantage en mesure de commettre ces délits en ligne (49 %) que les adultes (40%) et les plus âgés (11%), étant donné la présence massive de cette tranche d’âge sur les réseaux sociaux, et que 71% des auteurs d’actes de violence à l’encontre des femmes sont des hommes alors que le pourcentage de femmes commettant ces faits ne dépasse pas 29%.[18]

La privatisation de la violence à l’égard des femmes a fait qu’il ne s’agit plus des politiques publiques de prévention et de protection, mais d’une question privée qui relève plutôt de la responsabilité directe de la victime qui s’est mal comportée ou a exagéré son apparence en ligne, que de son agresseur qui est, aux yeux du sens commun, un responsable de deuxième degré. Les médias sociaux jouent un rôle majeur dans le transfert de la violence numérique vers la violence réelle grâce à l’échange rapide d’informations et à la facilité d’interaction entre les usagers du fait que certains agresseurs peuvent utiliser les médias sociaux comme outils de menace réelle contre les femmes, qu’elles soient ou non usagères des réseaux sociaux pour que la menace de violence physique ou de harcèlement sexuel via Internet se transforme en violence réelle. L’incitation à la violence sur les réseaux sociaux peut également encourager la violence réelle en publiant des contenus racistes ou haineux appelant à la violence et incitant aux conflits contre certains individus ou groupes.

Cependant, la relation entre la violence numérique et la violence réelle semble complexe et multiforme ce qui fait qu’il faut être conscient de la nécessité de traiter la violence numérique avec sérieux et de prendre les mesures nécessaires pour la devancer et y faire face afin d’en prévenir les effets envers les groupes les plus vulnérables culturellement et socialement, comme c’est le cas des enfants, des femmes, des personnes LGBT et des personnes à besoins spécifiques.

  1. L’usage des réseaux sociaux en Tunisie : l’égalité qui cache la violence basée sur le genre

En Tunisie, l’impact des TIC est favorisé par leur utilisation massive. Dans un pays de 11,57 millions d’habitants, il a été enregistré en janvier 2020 un effectif de 7,55 millions d’internautes et 7,30 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux[19] , dont les plus utilisés sont Instagram, LinkedIn et Messenger et Facebook (FB), le plus populaire depuis plus de 15 ans. Selon des données récentes, la société tunisienne connaît un développement croissant de l’utilisation d’Internet, portant le nombre d’internautes tunisiens et tunisiennes à plus de 8 millions de personnes en 2022, l’équivalent de 66,7% de la population totale, soit une augmentation estimée à plus de 10% par rapport à 2021[20]. Il est probable que le nombre réel d’internautes soit plus élevé en raison des difficultés de mesurer avec précision l’utilisation d’Internet sur les téléphones mobiles, après quoi l’accès à la toile soit devenu abordable à la plupart des groupes sociaux, au point que le glissement vers l’addiction électronique menace de larges groupes de jeunes et d’adolescents.

Les données disponibles sur le site « Google Analytics » affirment que la durée de navigation quotidienne des jeunes est de 4,5 heures parmi les internautes les plus accros aux réseaux sociaux, dont le nombre d’utilisateurs est proche du nombre d’internautes en général (96%)[21]. Cependant, les moyens de communication électroniques les plus utilisés sont les réseaux sociaux par les jeunes tunisien.nes avec 7.300.000 utilisateurs du réseau Facebook, soit 94,9% de l’ensemble des utilisateurs hommes et femmes, dont 56% hommes, 44% femmes et 41% agées de 13 et 24 ans des deux sexes. Le réseau social Messenger arrive en deuxième position avec 4100 000 utilisateurs, ayant la même répartition par sexe. Quant aux réseau WhatsApp des échanges électroniques, le pourcentage d’utilisateurs atteint 71,1%, suivi du réseau Instagram avec 1900000, avec la même répartition par sexe, et à une augmentation du pourcentage de la tranche d’âge qui l’utilise entre 13 et 24 ans atteignant 47% du total des utilisateurs de ce réseau social. Pour le réseau professionnel LinkedIn, le nombre d’utilisateurs est de 1000000 (12,5%), dont 61% d’hommes et 39% de femmes, vu que la baisse de la représentation des femmes reflète leur position dans la population active et professionnellement intégrée. Enfin, Twitter n’attire que 8,8% de tous les utilisateurs des réseaux sociaux en Tunisie, ce qui représente un faible pourcentage par rapport aux différents contextes régionaux et internationaux.

Ces données montrent que les différences entre les femmes et les hommes sont plus réduites parmi les jeunes usager.es dans un monde ou les TIC sont devenues des réalités incontournables du quotidien »[22]. L’approche genre s’interroge sur les aspects techniques et le manque de compétences technologiques des femmes qui les rend dépendantes des hommes et les TIC prennent, pour les jeunes, la place des acteurs et des cadres traditionnels de socialisation et l’on assiste même à une « socialisation ascendante » ou « socialisation inversée », lorsque les jeunes générations transmettent[23] et instruisent les anciennes, bouleversant ainsi le lien intergénérationnel. Dès l’adolescence et parfois bien avant, les jeunes reconfigurent leur identité assignée pour tenter de se donner une identité choisie qu’ils façonnent à leur manière…

Même si la répartition par sexe sur les plateformes de médias sociaux les plus utilisées, telles que Facebook, Messenger et Instagram est équilibrée avec un léger avantage en faveur des hommes, la plupart des statistiques disponibles indiquent que les femmes dépensent plus de temps de navigation par rapport aux hommes[24]. La deuxième observation qui attire l’attention, c’est que la plupart des usagers de ces réseaux sont des jeunes voir même des adolescent.es vivant la période sensible du parcours de et de construction identitaire en rupture avec les références traditionnelles de socialisation, qu’elles soient primaires ou secondaires.

Au niveau de l’accès aux réseaux sociaux en Tunisie, les statistiques montrent que la différence entre femmes et hommes est moindre parmi les groupes de jeunes usager.es « dans un monde où les technologies de l’information et de la communication sont devenues une réalité quotidienne inévitable »[25], offrant un chemin plus égalitaire entre les deux sexes, ce qui pourrait renforcer l’intégration numérique, l’utilisation des technologies de communication et la participation des femmes pour améliorer leur présence effective. Toutefois, maints défis auxquels est confrontée la population féminine sur la toile dont la discrimination et la violence qui les persécutent, sont les entraves les plus remarquables en passant de l’espace direct à l’espace numérique à cause de la persistance des mécanismes de socialisation discriminatoires dans le même espace.

L’hyper connectivité des jeunes générations avec le monde numérique continue de se développer dans la société tunisienne à un rythme accéléré et laisse présager de profonds changements médiatiques, avec lesquels l’espace numérique sera le plus attirant des enjeux politiques, économiques et culturels, et donc le plus centralisant des conflits entre stratégies de domination et stratégies d’émancipation des divers mouvements sociaux, y compris le «cyber féminisme »[26]. Cependant, ces parcours de socialisation parallèle menant à façonner les identités individuelles ne se déroulent généralement pas aussi facilement que les jeunes eux-mêmes pourraient l’imaginer, et ils/elles pourraient être exposé.es à de nombreux chocs et frustrations surtout chez les filles dont les violences basées sur le genre, auxquelles elles sont, quotidiennement, exposées, sont les plus menaçantes pour leur intégration et leur participation numériques. Dans cette situation stressante et déroutante, le sort de l’identité de genre est déterminé soit par le repli et le retour à la reproduction de la soumission aux stéréotypes dominants de genre, soit par la résistance et le défi, selon la structure de la personnalité des victimes et les modèles des stars qu’elles cherchent à les imiter. Ce sont des leaders de la mode, mannequins et créateurs de contenu avec des millions de posts et de clips vidéo sur Instagram, Tik Tok, Snapchat, etc. qui alimentent leur expérience avec leur environnement relationnel et constituent des éléments de motivation dans tel ou tel sens.

À l’exception de quelques cas pathologiques, les auteurs de violences cybernétiques à l’égard des femmes ne représentent pas une particularité socioculturelle. Cependant, quelques études de terrain révèlent certaines caractéristiques personnelles chez les agresseurs des femmes en général, telles que l’introversion, l’égocentrisme et le manque de confiance en soi en se plaignant souvent d’un manque de reconnaissance et de la peur de l’abandon[27]. La plupart des agresseurs des membres de leur propre sexe, sont également violents envers les femmes et les filles, en particulier ceux qui sont incapables de modifier leur comportement avec le sexe opposé et se caractérisent par une intégration limitée dans diverses relations de genre primaires et secondaires. Quant à ce que l’on peut déduire des données des études de terrain sur les caractéristiques de l’agresseur, il s’agit des éléments suivants :

– La difficulté de repérer les agresseurs qui se cachent habituellement derrière de faux profils qui bénéficient de l’impunité à cause de l’absence de législation et l’insuffisance des mesures de protection ou de prévention[28].

– Bénéficier de la tolérance des services sécuritaires et judiciaires envers diverses formes de violences politiques à l’égard des femmes, notamment lorsque l’agresseur est un partisan du pouvoir en place et que la victime est jugée opposantes ou partisane de mouvements féministes ou queer[29].

– L’auteur de violences est sous l’influence de son isolement dans le « cockpit » électronique avec la distance qui l’éloigne de voir les effets directs de sa violence sur les victimes[30], comme les pilotes qui ne voient pas les effets de leurs bombardements des quartiers résidentiels, ce qui l’empêche de développer certains sentiments de sympathie pour les victimes et augmente sa persistance à poursuivre sa violence sans arrêt.  

  1. II. Les violences basées sur le genre : types renouvelés et formes excessives
  2. Catégories cibles : les plus présentes et les plus actives sur les réseaux

En se référant à certains rapports et études et aux données de terrain révélées par les témoignages et les entretiens, il apparaît clairement que la plupart des victimes les plus touchées par la violence numérique appartiennent aux catégories suivantes :

  • Les plus actives sur les réseaux sociaux (Instagrameuses, Tik Tokeuses, Facebookeuses, Twitteuses…)[31] et qui sont généralement, des élèves ou étudiantes, en ciblant leurs paraitres physiques et esthétiques, mais aussi toutes les personnes qui affichent leurs photos sur les réseaux numériques.
  • Amies réelles ou en ligne : anciennes amies intimes de certains des agresseurs ou personnes entretenant avec eux des relations intimes actuelles et qui choisissent de rompre avec eux.
  • Militantes politiques et civiles[32] : femmes qui ont des opinions et des positions politiques, qu’elles soient opposantes ou favorables au pouvoir, syndicalistes ou féministes émettant des positions sur les réseaux sociaux (Abir Moussi, Bochra Belhaj Hmida…)
  • Les femmes journalistes qui rapportent des événements ou expriment des propos journalistiques pouvant être attribués à un parti politique ou à un autre, que ce soit depuis le 25 juillet 2021, ou avant comme la défunte Najiba Hamrouni, Maya Al-Qasouri, et enfin, Monia Al-Arfawi, Amira Mouhammad et récemment Sonia Dahmani.
  • Femmes immigrées subsahariennes : à travers des propos racistes ou incitant au racisme.
  • Certaines artistes audacieuses : les actrices et danseuses comme Maryam Al-Dabbagh et Nermin Safar et bien d’autres, lorsqu’elles apparaissent dans les médias ou sur les réseaux sociaux, avec des poses qui ne plaisent pas aux agresseurs.

« Le climat qui s’est imposé depuis 25 juillet 2021, a bien favorisé l’hostilité à l’égard des opposant.es politiques, des militant.es civil.es»[33], dont les femmes et les féministes, en particulier, sont encore les objets des violences basées sur le genre ciblant leur identité féminine, sur la base des mêmes stéréotypes patriarcaux circulant dans la société. Accusées de leur identité de genre intrinsèquement inférieure, les femmes n’ont pas le droit de se « révolter » contre la domination de la tutelle patriarcale ni de s’exprimer librement sur les réseaux sociaux, notamment lorsqu’il s’agit de la gestion politique des affaires publiques sinon elles sont exposées aux violences cybernétiques basées, généralement, sur la discrimination justifiant tout recours à la violence à leur encontre.

La deuxième catégorie de ces contenus agressifs à l’égard des femmes fait également référence à des mots grossiers visant l’humiliation morale et psychologique et la destruction de la négation de l’identité féminine par exclusion et dégradation de la valeur humaine à travers des appositions qui enlaidissent le corps des femmes victimes, leurs traits féminins et leurs apparences esthétiques. Cependant, ils reflètent les préjugés et les stéréotypes qui se sont véhiculés dans certaines représentations sociales dominantes attribuant l’évaluation des femmes uniquement à leurs caractéristiques physiques comme critère de base qui détermine leur statut au détriment du reste des caractéristiques mentales, intellectuelles et personnelles. Les chasser, entant qu’actrices de l’espace public ou virtuel, c’est garantir leur soumission à la domination masculine.

  1. Types de violences numériques à l’égard des femmes

À l’instar de la violence sexiste à l’égard des femmes dans le monde réel, celle sur la toile comprends nombreux types touchant divers aspects de la vie sociale, économique, politique et culturelle et des sphères privées que publiques à tel point qu’elle se transforme en un phénomène social total pour reproduire les relations de domination entre hommes et femmes. L’espace numérique n’est qu’une façade qui exprime sa croissance quantitative et son développement qualitatif ces dernières années, mais qui reflète une bonne partie de la réalité vécues des rapports sociaux dont les rapports de genre sont les plus distingués. Conformément aux études précédentes, les données de terrain indiquent que les réseaux sociaux augmentent « le risque d’exposition des usagères à la cyberviolence tant qu’elles sont connectées à Internet»[34] et tant que la fréquence de leur visibilité dans cet espace ouvert augmente, en particulier chez les jeunes femmes.

  1. Violence économique et sociale

Comme il a été révélé par les entretiens et les témoignages effectués, le fait de cibler les droits économiques et sociaux des femmes par le biais de statuts ou de commentaires publiés sur les réseaux sociaux déniant leurs droits constitutionnels et juridiques garantis aux hommes tels que le droit égalitaire au travail, à l’éducation et à la propriété, exprime une violation des droits à la citoyenneté. Certaines victimes ont déclaré que les contenus acharnés sur les droits socioéconomiques des femmes, « sont les séquelles des d’attitudes considérant que les hommes ont la priorité absolue dans l’exercice de ces droits et que nous sommes leurs concurrentes déloyales, en nous accusant d’utiliser nos corps pour obtenir diplômes supérieurs, nominations, promotions professionnelles, licences d’investissement et même certains postes administratifs et politiques »[35].

Quant à la revendication de certaines associations féministes et militant.es de la société civile pour le droit à l’égalité en matière d’héritage, elle a également été le théâtre d’intenses débats qui se sont transformés en violences économiques et sociales concernant l’identité de genre sur les réseaux sociaux, non seulement à l’égard des militantes féministes, mais aussi envers toutes les femmes. On peut lire des commentaires sur Facebook : « Dieu ne vous a pas donné ce droit, vous, germe de Satan. Vous voulez violer la loi du Seigneur »[36], ou ce qu’une des militantes a déclaré avoir reçu des commentaires et des messages condamnant en premier lieu la demande d’héritage : «les hommes travaillent dur et se fatiguent jour et nuit, et vous voulez hériter avec eux en plus, si vos maris en héritent, c’est largement suffisant».

  1. Violence politique

La violence politique dans l’espace numérique représente le type de violence sexiste le plus répandu, que ce soit en termes d’ampleur, d’effets ou de diversité des agresseurs de la plupart des tendances politiques islamiques ou libérales, surtout lorsqu’ils détiennent le pouvoir ou participent au gouvernement. Comme le confirment certains témoignages et interviews des militantes féministes : « nous n’avons pas le droit de s’opposer à la tutelle hégémonique patriarcale ni d’exprimer des opinions différentes sans dégats, surtout lorsqu’il s’agit de la gestion politique des affaires publiques ». Cette violence politique allait des accusations morales et d’adjectifs sexuelles qui violaient la dignité des victimes, aux « calomnies, insultes, menaces, et l’utilisation de termes choquants et de contenus diffamatoires dans le but de diaboliser les victimes et les rendre coupables »[37]. Les jugements de valeur discriminatoires de nature sexuelle, envers les femmes, démontrent que « les représentations attachées aux jugements moraux sont les principaux critères pour évaluer le comportement des femmes et de leur respect» comme l’ont bien révélé certaines études[38]. Les accusations de corruption politique et financière ne se limitaient pas aux victimes elles-mêmes, mais affectaient également leurs familles atteignant « leurs origines qui remontent à l’époque des beys » et même leurs enfants.

Quant aux groupes de femmes les plus exposées aux violences politiques sur Internet, il s’agit de militantes politiques et civiles, notamment féministes, comme certains membres de l’Association tunisienne des femmes démocrates, à cause de leurs positions favorables aux libertés et à la démocratie. Toutefois, ces violences sont souvent sélectives, systématiques et plus atroces envers certaines femmes en fonction de leurs antécédents politiques et idéologiques, notamment en raison de leur poids sur la scène politique et électorale. L’exemple de Abir Moussi n’est pas seulement associé à son appartenance au parti au pouvoir avant 2011, mais surtout en raison de son poids dans les sondages d’opinion et sa compétitivité aux présidentielles. Il en va de même en ce qui concerne les violences numériques à l’encontre de Bouchra Belhaj Hamida, non pas en raison de son affiliation antérieure au parti Nidaa Tounes, mais principalement à cause de ses positions féministes dans la défense de l’égalité du droit à l’héritage entre femmes et hommes et de sa supervision du rapport COLIBE[39]. La campagne numérique dont Shaima Issa a fait l’objet après avoir été suspendue et jugée coupable pour son militantisme dans l’opposition au sein du Front de Salut National, qui s’est formé auparavant contre les mesures exceptionnelles prises par le président de la République le 25 juillet 2021.

  1. Violence sexuelle

Contrairement à ce que l’on croit, les violences sexuelles faites aux femmes dans l’espace numérique sont les plus dangereuses et ont le plus grand impact sur les victimes car elles sont invisibles, ne font pas l’objet de sanctions judiciaires et ne sont pas prises au sérieux par les politiques publiques. Il s’agit des actes commis sous la forme écrite, verbale ou en utilisant des images et des suggestions à caractère sexuel dans l’intention d’humilier, de diffamer, de se venger délibérément d’une femme ou de régler des comptes personnels avec elle « en raison d’une relation intime ou professionnelle ou familiale antérieure », selon certains témoignages. Quant au harcèlement sexuel sur les réseaux sociaux, il est devenu une pratique courante à l’encontre de toute femme qui ose poster ses photos/vidéos personnelles ou de publier ses commentaires esthétiques et amoureux, même sous forme de proverbes ou de versets de poésie.

A l’instar des femmes victimes de violences sexuelles dans la vie réelle, celles victimes de violences sexuelles numériques sont généralement lésées sous l’angle le plus sensible dans une société qui ne tolère même pas les femmes victimes lorsqu’il s’agit des questions morales, en les rendant tout de suite coupables par les communautés Facebookiennes. Cependant, ce type de violence se propage parfois d’une façon gratuite et sans motifs : « parfois tu te trouves attaquée par des gens que tu ne connais pas »[40], sinon, un tel comportement ne peut s’expliquer que par la misogynie, l’hostilité envers les femmes et le refoulement sexuel.  Si les contenus physiques ou certaines des positions ou apparences partagées sur une page féminine, peuvent être, aux yeux des agresseurs, différentes des stéréotypes du modèle de la femme chaste, pudique et obéissante, l’usagère en question « devient directement une proie légitime de toute sorte de violences y compris l’agression sexuelle »[41].

  1. Cyberharcèlement

 Les insultes, menaces et discours de haine reçus par internet sont très souvent minimisés car internet n’est pas considéré comme la vraie vie, mais un monde à part. Pourtant, le cyberharcèlement a déjà mené au suicide. Le cyberharcèlement, au même titre que le harcèlement en face à face est tout autant destructeur : « il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral » [42]. C’est un processus inconscient de destruction psychologique, constitué d’agissements hostiles évidents ou cachés, sur un individu désigné : « souffre-douleur , processus réel de destruction morale, qui peut conduire à la maladie mentale ou au suicide »[43].

……… à compléter par des exemples de terrain

  1. Violence culturelle symbolique

La violence symbolique fait généralement référence à des formes invisibles de violence qui utilisent des symboles culturels et linguistiques discriminatoires pour renforcer le contrôle sur des groupes sociaux dominés[44] ou contrôler un groupe d’individus sur la base de leur race, sexe, genre, âge ou d’origine social et culturelle. C’est une forme de violence exercée dans divers champs éducatifs, professionnels, politiques et culturels y compris l’espace numérique, lui-même caractérisé par des disparités entre les sexes. Il s’agit d’un espace qui reflète une variété de violence symbolique envers les femmes à travers l’utilisation de symboles culturels linguistiques et de stéréotypes de genre pour contrôler leur comportement et justifier les perceptions dominantes sur les genres afin d’exercer une pression sociale et culturelle et de leur imposer des attentes restrictives. A la longue, la violence symbolique conduit à la normalisation discriminatoire basée sur le genre et à la justification de la domination sur leurs pensées et leurs corps, comme « les commentaires insultants des photos de certaines femmes dans des gymnases et des commentaires glorifiants ces mêmes images lorsqu’elles représentent des corps masculins ». En utilisant tout un arsenal culturel discriminatoire à l’égard des femmes à travers les statuts et les commentaires sur les réseaux sociaux, la violence basée sur le genre apparaît flagrante, comme ce qui a été commenté sur une photo d’une femme avec sa fille en maillot au bord de la mer : « se sont deux prostituées : telle mère, telle fille»[45], ou un commentaire sur l’une des positions politiques d’une activiste connu : « …les hommes viriles n’ont pas pu le faire, que dire des femmes hululâtes, Ha Ha Ha »[46]. C’est ainsi que la discrimination sexuelle est légitimée de manière invisible, laissant de nombreux effets psychiques qui peuvent affecter, non seulement les victimes directes mais aussi d’autres témoins qui se sentent menacées si elles décideraient de franchir l’espace public entant qu’actrices des affaires publics au sein d’un environnement culturel pourvus de toutes sortes de discriminations de genre et de formes de domination masculine.

Les formes de violence symbolique contre les femmes sur les réseaux sociaux opèrent à travers plusieurs mécanismes discriminatoires, tels que le harcèlement, la ridiculisation et la moquerie à l’encontre de toute usagère essayant d’exercer ses droits, de prouver son existence et de chercher la reconnaissance de son identité féminine ou de son estime de soi en vue de compenser les inégalités des chances dans l’espace public.

En examinant certaines pages des victimes, il est apparu clairement que le plus répandu de ces mécanismes symboliques de suppression de la présence féminine ou féministe sur le réseau Facebook, est l’humiliation des femmes en invoquant :

  • Stéréotypes d’impuissance féminin (déficientes en raison et en religion, si les hommes sont incapables, que dire des femmes)
  • Rôles traditionnels de jouissance, de procréation et des soins (Les normes se sont inversées : la femme remplace l’homme, occupe-toi de ton mari et de tes enfants, sinon il a le plein droit d’avoir une amante)
  • Statut social dégradé (peu importe ce que tu es, tu n’es qu’une simple maudite femme).
  • Discrimination au nom de la féminité et la tendresse (tu fais partie d’un sexe délicat, tu ne supportes pas les aléas et les abus politiques).
  • Rejet des femmes considérées comme vieilles, de participer à l’espace public et les expulser du monde numérique[47] (Cheveux gris et imperfections, n’avez-vous pas honte de vous-même à cet âge ? vas-y, fais la Omra et débarrasse-toi de tes nombreux péchés, et pense à ton sort auprès de grand Seigneur).
  1. Formes de violence numérique contre les femmes

Tout comme pour la violence directe dans la vie quotidienne, chacun de ces types de violence numérique dirigée contre les femmes prend de multiples formes. Grâce à leur capacité à reproduire et transmettre automatiquement et en contenu les statuts partagés, les technologies numériques permettent plutôt aux agresseurs de diversifier, d’amplifier et d’élargir la portée de manière à en faire une violence continue avec ses effets scandaleux sur les victimes. L’accès infini des usagers du même réseau, permettrait à d’autres agresseurs présumés de reprendre les contenus violents contre les mêmes victimes, que ce soit pour des motifs intentionnels afin de contrarier certaines d’entre elles pour des raisons politiques, ou pour des motifs arbitraires liés à la misogynie et l’hostilité envers les femmes en général, dans le but de les surveiller davantage.

À partir de certaines études et rapports des organismes de la société civile, on a pu détecter plusieurs formes que prend tout type de violence numérique, à travers des commentaires sur les statuts partagés, ou en publiant ses propres statuts dans l’intention de nuire à certaines personnes:

  1. Violence verbale :
  • Malédiction, diffamation ou injure : cette forme représente toutes les expressions blessantes et insultantes, telles que les expressions qui dégradent la dignité humaine, les accusations gratuites « fornication et corruption», insultes des ascendants et des descendants de la victime (pères, grands-pères et parties intimes des mères). D’autres études ont pu remarquer certaines comparaisons insultantes à certains animaux[48] : pour indiquer la laideur (une guenon), la stupidité (une ânesse), la méchanceté (un renard), l’impureté (une truie), la stigmatisation raciale (une servante à la couleur d’un corbeau) et bien d’autres figures insultantes que les agresseurs n’hésitent pas à infliger à leurs victimes.
  • Mépris de l’identité féminine : cela inclut la stigmatisation et l’infériorité des femmes par rapport aux hommes (tu n’es qu’une femme, déficiente en raison et en religion, la semence du diable)[49]. Le cas de Ons Jabeur est très révélant à ce niveau lorsqu’elle fait l’objet d’une vague de violence et d’hostilité religieuse et conservatrice à l’encontre de son corps (ça serait mieux pour toi, de couvrir tes cuisses, quelle nudité ! quelle insolence !)[50].
  • Insultes misogynes et racistes : en utilisant le même dictionnaire verbal violent (visage d’homme, visage du bois), l’insulte raciste envers les immigrées subsahariennes à envahit les réseaux sociaux durant la crise d’incitation contre les étrangers qui a débuté à l’été 2023 : (elles se reproduisent en se déplaçant comme des animaux. Certainement, elles veulent occuper le pays), sans connaître certaines des particularités de la culture subsaharienne en ce qui concerne la particularité de leurs pratiques sexuelles et reproductives.
  • Expiation et Takfir: insultes, diffamations et supplications sont également dirigées contre les victimes accusées d’infidélité, pour la simple raison qu’elles expriment des idées dégalité entre hommes et femmes : (Que Dieu te détruise, ô infidèle. Je suis sûr que tu es athée, sioniste et franc-maçon), Ce qui constitue une menace pour la vie de ces victimes. Certaines filles sur Instagram ou Tik Tok sont également exposées à cette même forme de violence en publiant des photos de danses, de divertissements ou des situations de célébration que certains agresseurs ne les acceptent pas : (tu ignores la religion, tu devrais être condamné à mort…les anges te maudiront jusqu’au Jour du Jugement).
  1. Menaces, chantages et harcèlement :

– Menaces et intimidations : Cette forme comprend les menaces directes de vengeance, de viol, de meurtre, ou l’incitation à la violence et à la liquidation. Le fait de prétendre connaître leurs adresses de résidence, de travail et le lieu qu’elles fréquentent par les agresseurs, les victimes seront doublement effrayées et obligées de fuir la sphère virtuelle[51].

– Chantage financier ou sexuel : il s’agit généralement d’anciennes connaissances de la victime, notamment des amis, des collègues ou des voisins, qui exploitent les correspondances antérieures avec la victime (photos, messages, vidéos) ou les fabriquer carrément à l’aide de techniques Photoshop afin de faire chanter la victime. « C’est, généralement, à travers les menaces de les exposer au public ou de les envoyer aux membres de sa famille, que l’agresseur demande de l’argent ou essaye de forcer sa victime à reprendre une relation qu’elle avait rompue avec lui »[52].

– Harcèlement sexuel : Il consiste à faire pression sur la victime pour qu’elle accepte des rapports sexuels, en utilisant plusieurs moyens numériques, tels que des SMS séduisants, des images explicites de positions sexuelles ou d’organes génitaux masculins, ou des clips vidéo pornographiques. Certains harceleurs peuvent également recourir à la tromperie de la victime ou à une fausse relation avec elle, par la promesse de mariage, en exploitant le fait que certaines filles s’accrochent au mariage comme but ultime de leur vie. Tout en usurpant délibérément l’identité d’un état civil dépourvu des obstacles du mariage légal, certains agresseurs profitent des situations vulnérables de leurs victimes, en les attirant avec des cadeaux et de l’argent dans le but, en les incitant à un travail sexuel rémunéré.

– Piratage et usurpation d’identité : Il s’agit de pirater les comptes de certaines victimes et de publier des contenus immoraux sous leurs noms, de publier leurs photos après avoir modifié les caractéristiques et changé les contextes ou d’ajouter des éléments nuisant à l’imaginaire collectif (poses scandaleuses, ajout de bouteilles de vin, placement de photos en tenue de touriste ou de sport à l’intérieur de la mosquée). Certaines études[53] de terrain ont également enregistré l’usurpation d’identité de certaines victimes après avoir piraté leurs données personnelles (numéros de carte d’identité, numéros de compte et de carte bancaire, adresses de résidence et de travail…) en vue de les utiliser dans des délits de piratage électronique.

  1. Violation de la vie privée

– Exposer la vie privée des victimes au grand public : il s’agit d’une autre forme qui résulte de certaines des formes précédentes de voyeurisme et d’espionnage, par la publication délibérée de photos, vidéos et statuts personnels sur les réseaux sociaux. Qu’ils soient réels ou fictifs, ces contenus révèlent des secrets privés, comme, par exemple l’affichage de leurs relations intimes antérieures, leur passé intime ou leur état civil (elle a divorcé deux fois, elle était avec mon ami pendant deux ans, allez voir pourquoi elle était en prison…). Parmi les plus célèbres de ces violations de la vie privée, qui ont accru leur portée sur le réseau, figure la femme juge en 2022 après avoir été limogée de ses fonctions avec 56 autres juges, et « publiquement accusée d’adultère par le président de la République »[54]. Il s’agissait, probablement, d’agents de sécurité qui ont rapidement publié des rapports judiciaires, exposant sa vie privée dans les moindres détails, en violation flagrante du principe du secret professionnel et du maintien de la confidentialité de l’enquête sécuritaire.

– La vengeance : c’est la forme la plus répandue de cette violation, commise par des agresseurs, qui se vengent de leurs amies, fiancées et même de leurs ex-femmes, tout simplement pour avoir mis fin à la relation avec eux, en publiant des contenus réels ou fabriqués (photos, lettres, conversations personnelles…)[55]. Dans l’intention de leur nuire ou de mettre à mal leurs relations ultérieures, réelles ou supposées, les agresseurs font recours aux diffamations de leur partenaires, sur la toile, sous l’influence du complexe du narcissisme viril qui ne leur reconnaît pas le droit à reconstruire leurs vies affectives et sexuelles après la séparation.

– Transférer la violence directe vers l’espace numérique : cette forme est généralement émise par des agresseurs qui ne sont pas satisfaits de la violence à l’égard de leurs victimes dans la vie réelle, et s’engagent à continuer de se venger d’elles en publiant sur Internet d’autres violences numériques sur les réseaux sociaux. L’une des vidéos qui a été repérée, expose la violence commise à l’encontre d’une jeune femme de la part de son ancien « copain » en publiant des contenus de conflits verbaux, physiques, accompagnés de commentaires faisant référence à la diffamation et à la vengeance[56].

III. Les effets de la violence numérique sur les victimes, entre résistance et reproduction

Contrairement à ce que pourrait laisser croire la sous-estimation de la violence numérique, ses effets sont généralement désastreux sur le plan psychologique et relationnel des victimes, en particulier des femmes qui souffrent déjà de violences basées sur le genre, les poursuivant aussi bien dans l’espace privé que public.  Toutefois, parmi toutes les violences à l’égard des femmes qui se propagent à un rythme accru depuis plus d’une décennie, la violence numérique est peut-être la moins reconnue par les politiques publiques, mais c’est la plus douloureuse selon les spécialistes en la matière. Les rares rapports et études effectués sur le sujet, indiquent que la violence à l’égard des femmes en Tunisie, ne se limite plus aux espaces privés et publics traditionnels, mais inclut également l’espace numérique en raison de la présence des presque égale à la présence des hommes. Outre certaines femmes ordinaires, les catégories des lycéennes, étudiantes, militantes des droits de l’homme, femmes politiques et des journalistes sont les plus exposées, quotidiennement, à cette violence sur divers réseaux notamment Facebook, Instagram et Tik Tok.

Selon l’étude exploratoire sur les violences faites aux femmes sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, réalisée par le Centre de Recherche, d’Etudes, de Documentation et d’Information sur les Femmes (CREDEF)[57], les femmes représentent 89% de toutes les personnes ciblées par les violences numériques en Tunisie et 49% des auteurs de ces délits sont des jeunes, étant donné la taille de leur utilisation des réseaux sociaux par rapport aux tranches d’âge qui ont dépassé le stade de la jeunesse. La même étude a également montré qu’au moins 51% des femmes interrogées ont été exposées à des violences verbales, et 24% d’entre elles ont fait l’objet de harcèlement sexuel, en plus de 19% de celles qui ont subi des insultes et des brimades. Toutefois, d’autres études confirment qu’un grand nombre de victimes de violences sur les réseaux sociaux « gardent le secret pour de nombreuses raisons, dont la plus importante est la peur des réactions de leur entourage (famille, amis et collègue) »[58]. Généralement, c’est la loi du silence et l’évitement qui caractérisent les réactions après la réception des messages violents, indiquant que beaucoup de victimes seraient dans l’impuissance ou la passivité : 8,8% répondent, 24,4% ne répondent pas et 66,8% bloquent. Comme on peut le constater, la majorité des personnes harcelées opte pour le blocage et une personne sur quatre ne répond pas. Dans ce dernier cas, et outre le fait que les normes sociales incitent au silence, nous pouvons parler d’un « déni de réalité » plutôt que de passivité. La victime en niant les faits ou en les banalisant risque d’en réduire la gravité, de perpétrer le phénomène et de brouiller les frontières entre ce qui est accepté ou acceptable et ce qui ne l’est pas.

Les violences que subissent quotidiennement les femmes sur les réseaux sociaux, ne peuvent demeurer sans effets psychologiques et sociaux : 60% des femmes qui utilisent Facebook ne se sentent pas en sécurité, 94% des victimes ont rencontré des problèmes familiaux, et 56% d’entre elles ont rompu certains liens sociaux à cause de ces violences. Bien que 23% des victimes ait répondu aux agresseur, les femmes se contentent, généralement, de bloquer leur agresseur (56%), indique l’étude du CREDIF, soulignant également que 95% des victimes de violences en ligne préfèrent se taire que d’avoir recours à la Justice de crainte de la perception de la société ou parce qu’elles ne savent pas que la loi les protège. Dans ce sens, l’étude réalisée par le CREDIF recommande d’appliquer rigoureusement la loi n° 2017-58 contre les violences faites aux femmes et de considérer les réseaux sociaux comme étant un espace public afin d’étendre les peines prévues aux violences liées au numérique. En effet, la loi adoptée en 2017 sanctionne le harcèlement sexuel dans les espaces publics, mais pas dans l’espace virtuel, ce qui donne lieu à de nombreuses difficultés notamment celle de repérer les auteurs des cyberviolences sur des plateformes, qui sont, souvent, anonymes ou ayant de faux profils. Pour briser le tabou et pousser les femmes à saisir la Justice, malgré les textes inadaptés à la spécificité de l’espace numérique, le hashtag Facebook  #Ena_zeda (moi aussi), a été lancé en octobre 2019 par des activistes de la société civile féministe pour raconter comment elles étaient harcelées en ligne (menaces de mort, de viol, incitation à la misogynie, ou encore doxing (recherche puis divulgation d’informations personnelles : adresse, téléphone, mail etc. pour inciter d’autres internautes à participer au harcèlement). Les conséquences des violences en ligne ont de réelles répercussions sur les femmes. Il est indispensable que la cyberviolence soit prise au sérieux. En effet, 76% des victimes de violences en ligne ont modifié leur manière d’utiliser internet. 32% d’entre elles ont cessé d’y exprimer leur opinion22.

En termes de résultats, l’état psychologique des victimes est caractérisé par une peur constante, une tension psychologique et un manque de concentration mentale pour les 78% de celles qui ont déclaré avoir été exposées à la violence numérique uniquement sur Facebook[59]. En plus d’autres symptômes observés, ses effets psychologiques, mentaux et sociaux se conjuguent dans la psyché de la victime, en raison de la propagation continue sur les pages par les simples clics de partage ou par commentaires, et même si certains usager.es se montrent solidaires, il continuent de rappeler à la victime sa douleur faisant d’elle un sujet de pitié et de regret :  «chaque fois qu’on oublie l’histoire, elle revient à ma rencontre avec des commentaires gênants». Le constat est confirmé par certains spécialistes en psychologie indiquant que les violences numériques basées sur le genre menacent la santé psychologique et physique des victimes, car elles se traduisent par « des troubles de stress post-traumatique de douleur psychosomatiques qui se manifestent par des troubles du comportement alimentaire, insomnie dépression et anxiété »[60].

Tout cela se produit généralement en parallèle en même temps que des effets à long terme, tels que la perte de confiance en soi et en autrui, la réticence à nouer de nouvelles amitiés intimes et le sentiment de culpabilité (auto culpabilisation) : « Naturellement, je le regrette parce que c’est moi qui ai commis une erreur »[61]. En effet, certaines victimes se sentent coupables à cause des photos et des situations qu’elles ont montrées sur Internet, d’autres ont le sentiment d’injustice résultant de l’incapacité de poursuivre leurs agresseurs, entre autres : « Ce qui me met en colère, c’est que mon droit est violé et je me trouve incapable de me défendre, ni par la loi ni par quoi que ce soit ». Ces différents sentiments contradictoires, qui peuvent différer d’une victime à l’autre, entraînent des conséquences sur la psyché de la victime, lorsque certaines d’entre elles se pivotent vers une agressivité excessive et une colère rapide, ou vers un repli sur soi, loin des réseaux sociaux, pour une longue période.

Certaines usagères se trouvent dans l’obligation de se réfugier contre le harcèlement sexiste et d’autres formes de violence numérique en ajoutant à leurs noms celui de leurs maris « épouse x » sur leurs comptes, dans une reproduction typique du phénomène de subordination féminine. Elles cherchent la protection masculine en justifiant le statut typique de la femme idéale, protégée par dépendance conjugale selon les stéréotypes de genre dominants. Dans le même cadre de stratégies de se protéger, d’autres usagères des réseaux sociaux acceptaient la surveillance d’une tutelle protectrice masculine en partageant leurs mots de passe avec le mari, pensant qu’elles seraient à l’abri des violations et du harcèlement numérique lorsqu’il se charge de répondre agressivement à toute attaque supposée : « Il a le mot de passer mon compte. Franchement, il connaît mieux que moi l’ennui de ces gens qui le respectent parce qu’il répond dans le même jargon qu’ils connaissent »[62]. A l’instar du monde réel immédiat, certaines femmes se sont habituées à la violence numérique sous ses diverses formes de harcèlement et de contrariété : « je bloque tous ceux qui me dérangent et je passe car, à chaque fois que vous leur répondez, ils s’y tiennent »[63]. Quant aux victimes de violences numériques qui ont porté plainte auprès des Unités Spécialisées, aucune d’entre elles n’a trouvé la voie d’une poursuite judiciaire, en raison du manque de leur compétence et l’absence d’une loi encadrant ces délits à l’exception du décret n° 54 de 2022, qui a été spécialement promulgué pour réprimer les critiques  médiatisées faites aux responsables politiques, au détriment de la lutte contre la criminalité électronique dont les femmes souffrent à un taux d’environ 80%[64].

Ce sont des formes graves de violences et une atteinte à la dignité et aux droits humains de la personne. L’identité sociale et l’image de soi de la personne ciblée par le cyber harcèlement s’en trouvent fragilisées : « la victime se sent coupable, impuissante, envahie par la honte, abattue par le stress et la dépression ». Chez les jeunes filles qui sont en pleine construction identitaire, cela peut s’accompagner d’une perte de l’estime de soi et de tendance à l’automutilation, tandis que les violences sexuelles en ligne touchent de plus en plus les femmes qui sont présentes et actives sur les réseaux sociaux. Il faut rappeler que pour les jeunes, en Tunisie comme ailleurs, l’usage intensif des réseaux sociaux et des SMS a remplacé les formes et les acteurs de socialisation traditionnels y compris en matière d’éducation sexuelle. Pourtant, malgré leurs graves conséquences sur les jeunes et sur les rapports de genre, la violence en ligne et le cyber harcèlement, n’ont pas fait jusque-là l’objet d’un intérêt suffisant ni des pouvoirs publics.

Accusées d’exhibition, d’impudeur et de pratiques osées, les femmes victimes de ce type de violence se sentent généralement coupables et dévalorisées ce qui les pousse, le plus souvent, à se retirer définitivement ou momentanément de la toile avant de changer leurs profils pour qu’elles puissent suivre leur navigation en sécurité.   

Différemment d’autres contexte de la modernité, la société modernisée telle que la nôtre, porte une double culture de la violence combinant les représentations traditionnelles des valeurs de masculinité, de virilité et d’héroïsme à travers les dualités hiérarchiques : homme/femme, âge adulte/enfant et dirigeant/dirigé. D’autre part, les représentations modernes qui font référence aux droits de l’individu et aux valeurs d’égalité, créent une structure de positions contradictoires et conflictuelles, mais qui coexistent au sein d’une même socialisation véhiculées par la famille, l’école et les canaux de communication. A cette dualité des représentations de la violence, s’ajoute une autre dualité véhiculée par les médias et les réseaux sociaux « combinant le rejet de la violence des « méchants » et la glorification de la violence des héros »[65] parmi les hommes, ce qui a rendu flou les frontières entre les motifs du comportement violent, de ses formes et de ses victimes chez les jeunes.

La normalisation de la violence dans les milieux réels et virtuels se déroulent dans la plupart des cas de manière inconsciente lorsque l’adolescent fait l’expérience du passage à l’âge adulte sans aide institutionnelle, il recherche l’aide d’une aide marginale et non encadrée représentée par des groupes de référence ou des groupes d’affiliation réels ou virtuels du même âge et du même statut social, et la violence se transforme en outil d’un rite de passage au cours duquel la force physique l’emporte sur le pouvoir de la logique, tout comme la violence l’emporte sur le pouvoir de la raison. La compétition physique et les conflits pour établir l’identité individuelle et supprimer la reconnaissance au sein de la culture masculine dominante.

Pour la majorité des victimes interviewées, les conséquences sociales ne sont pas moins graves étant donné leurs caractères relationnels, que ce soit au sein de sa famille ou de ses groupes d’appartenance professionnelle et civile, ce qui la pousse généralement à se retirer de l’espace virtuel et à accepter la domination masculine. Certaines études de terrain ont également prouvé que la menace de violence numérique basée sur le genre a souvent les mêmes effets qu’un comportement violent direct, affirmant que : « Toute agression ou menace d’agression physique, morale, sexuelle ou économique contre une femme, fondée sur le genre et utilisant les réseaux de communication, représente, en effet, un déséquilibre entre agresseurs et victimes en faveur des hommes selon les rôles socialement partagés dans la vie quotidienne »[66].

Conclusion

Le croisement entre violence basée sur le genre et violence numérique apparaît évident, dont certaines caractéristiques communes ont été révélées par cette étude. En effet, l’un des résultats de terrain les plus importants qui peuvent être confirmés est que la violence numérique dirigée contre les femmes n’est pas moins répandue que d’autres types de violence basée sur le genre dans l’espace physique. Le transfert de ses formes les plus importantes à Internet, est généralement accompagné par des effets à multiples dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles. La violence numérique va au-delà des autres formes connues et peut persister pour certaines victimes plus longtemps que les effets de la violence directe, concourant à reproduire les mécanismes de domination masculine et de tutelle patriarcale selon les stéréotypes de la répartition des rôles et des hiérarchies entre femmes et hommes. Les causes sont multiples et ne diffèrent pas des autres formes de violence par l’ampleur de la discrimination et de la domination masculine, le sentiment d’impunité en l’absence de lois dissuasives, et par la dissimulation des auteurs.

La législation, notamment le Code du statut personnel, reflète toujours le modèle patriarcal traditionnel et perpétue l’inégalité de genre. Elle maintient des structures familiales patriarcales, maintient la prééminence de l’homme dans la famille et la société, et perpétue l’inégalité en matière d’héritage. Cette situation a toujours renforcé une féminisation de la pauvreté en Tunisie, où les femmes n’ont pas un accès équitable aux ressources et à la richesse, creusant ainsi l’écart entre les sexes et renforçant les formes variées de violence à l’encontre des femmes et des enfants.

Face à ces crises à répétition, le mouvement féministe a toujours été vigilante pour que les droits des femmes soient préservés. On continue de mener nos combats contre toutes les formes de discriminations envers les femmes et contre toutes les formes de violences sur les femmes. Depuis le 25 Juillet 2021, l’ATFD a appelé à l’instauration d’un dialogue national inclusif et participatif pour mettre fin à l’Etat d’exception décrété à cette date tout en prenant l’initiative de rédiger un mémorandum adopté, par la suite, par la dynamique féministe afin que les droits des femmes ne subissent aucune régression et continuent à avancer vers une égalité entière et effective.  Consciente de la fragilité des droits des femmes, et particulièrement aux moments de crises, l’ATFD réaffirme toujours sa position « politique » en mettant en relief les retombées de la crise sur le vécu des femmes, en défendant leurs droits et en poursuivant la lutte pour l’égalité qui ne peut être reléguée en seconde zone et doit être prise en considération dans tous les agendas politiques.

Par conséquent, l’ampleur du phénomène nécessite une attention académique plus approfondie et une intervention civile plus large afin d’élaborer des stratégies d’intervention qui sensibilisent l’opinion publique, avec ses composantes civiles et politiques, dans le but de changer les politiques publiques vis-à-vis des violences basées sur le genre en général et la violence numérique en particulier. Compte tenu de ses conséquences psychologiques, sociales et économiques importantes et de son coût élevé pour les individus, l’État et la société, la violence numérique à l’égard des femmes est devenue un problème de santé publique qui nécessite davantage des politiques de prévention et de protection plus efficaces, tout en sensibilisant le grand public aux dangers de la violence et en encourageant un comportement électronique sûr et responsable.

Nous pouvons conclure que la réaction des victimes face aux agression électroniques, dépendent des variables suivantes :

– Le type de violence et ses formes, qu’elles soient passagères et arbitraires ou systématiques et continues, et la nature de ses effets familiaux et professionnels, selon la nature de l’auteur, proche ou lointain, et selon ses objectifs de pratique de cette violence.

– La personnalité de la victime, sa sensibilité aux violences en général, ses expériences antérieures avec les violences basées sur le genre et la nature de son rapport à la culture numérique.

– Le type de soutien familial ou institutionnel et les informations qui peuvent être disponibles à la victime et les réactions du reste des « amis » sur le réseau.

– La mesure dans laquelle la victime s’attend à ce que les agressions perdurent et l’ampleur de leur propagation en l’absence de résistance judiciaire et du sentiment généralisé d’impunité de la part des auteurs, qu’ils soient connus ou cachés.

Loi n°58 de 2017 relative à la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des enfants, qui n’inclut pas le phénomène de violence numérique.

Si les femmes sont confrontées de plus en plus à des violences en ligne, c’est parce que le chemin à parcourir afin de changer les mœurs et développer l’arsenal juridique avec des lois dédiées à l’espace virtuel, reste long. Les cyberviolences restent malconnues ou encore peu prises au sérieux, parce qu’on n’a pas encore pris conscience de la gravité de ce phénomène qui ne cesse de se multiplier. 

La mise en œuvre effective des lois existantes, notamment la loi n° 58 de 2017 contre la violence à l’égard des femmes, reste indispensable pour que les femmes victimes de violence aient un accès adéquat à la justice, à la protection et à la prévention.

Recommandations

  • Organiser des formations au sein des écoles et du monde professionnel pour toucher à la fois les jeunes, les étudiants et les adultes par des spécialistes en cyberharcèlement,
  • Créer des campagnes d’information et de prévention (audio-visuelles, affiches…),
  • Favoriser l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle et l’empathie par des cours à l’école,
  • Créer un dossier virtuel permettant aux victimes belges de cyberharcèlement d’obtenir toutes les informations dont elles ont besoin si elles sont harcelées sur internet. Quels sont les gestes de premiers secours ? Quels sont nos droits ? Vers qui se diriger ?
  • Aborder la responsabilisation que nous avons tous et toutes envers nos paroles écrites car le couvert de « la liberté d’expression » est trop utilisé à l’heure actuelle sur Internet. La liberté d’expression a ses limites et s’arrête lorsque la parole entrave le bien-être de l’autre. Mais quand s’arrête-t-elle ? C’est aux plateformes d’écrire une charte pour définir le droit des personnes,
  • Permettre à la victime de signaler le ou les agresseurs et mettre en place des systèmes qui permettront de suspendre l’action des harceleurs,
  • Assurer la transparence des médias sociaux concernant leurs politiques et leurs dispositifs de modération dans l’objectif de les évaluer et les améliorer,

Un engagement de la part des institutions de différents ordres comme :

  • Former le corps juridique ainsi que la police sur l’utilisation des nouveaux réseaux sociaux et sur l’importance des conséquences du cyberharcèlement afin d’être préparés à recevoir des victimes de cyberharcèlement,
  • Créer des cours dans les facultés de droit qui proposent des thématiques liées à l’utilisation d’internet, des harceleurs et des usurpateurs,
  • Multiplier les formations au profit du cadre éducatif dans le but de promouvoir l’éducation aux droits de l’Homme et à la sécurité digitale,
  • Diversifier les campagnes de sensibilisation digitale,
  • Coopérer avec les médias en vue de sensibiliser sur les dangers du phénomène de la violence digitale à l’encontre des femmes et des jeunes filles,
  • Mettre en place des procédures de signalement et d’accompagnement (numéro vert et centres d’écoute) en faveur des femmes victimes de cyberviolence,
  •  Renforcer le cadre législatif en ce qui concerne la protection des femmes,
  • Appliquer rigoureusement les lois sur la violence digitale,
  • Réviser et développer les bases juridiques des sanctions contre les cyberviolences afin qu’elles soient mieux adaptées au contexte socio-numérique actuel,
  • Créer une coalition nationale unissant les différentes structures gouvernementales et non-gouvernementales et la société civile. 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

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موقع الصحيفة الإلكترونية « الكتيبة »:

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https://index.woorank.com/en/reviews?countries=TN&technologies=google-analytics

https://legislation -securite.tn/en/law/105348

https://www.asjp.cerist.dz/en/downArticle/270/12/23/92753  

https://www.asjp.cerist.dz/en/downArticle/270/12/23/92753  https://index.woorank.com/en/reviews?countries=TN&technologies=google-analytics

https://www.cvfe.be/images/blog/analyses-etudes/2017/ep2017-13-berengere_marques-pereira-_0.pdf

https://www.cvfe.be/images/blog/analyses-etudes/2017/ep2017-13-berengere_marques-pereira-_0.pdf

https://www.digital-discovery.tn/chiffres-reseaux-sociaux-tunisie-2023

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https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/978-1-83982-848-

https://www.ins.tn/sites/default/files-ftp1/files/publication/pdf/FR_Communiqu%C3%A9.pdf

https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/declaration-elimination-violence-against-women   

https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/declaration-elimination-violence-against-women   

https://www.unft.org.tn/wp-content/uploads/2023/08/i7sa2iyette-iti7ad-video.mp4

 

Conventions internationales

*Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes CEDAW

*Programme d’Action de Beijing

*Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, Convention d’Istamboul

*Convention internationale des droits de l’enfant

*Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ; Lanzarote

2-Législations Nationales :

*Code du statut personnel

*Code de travail

*Code de protection de l’enfant

*Loi Organique 2017-58 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

*Loi Organique 2016-61 relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes.

*Loi 2021-37 relative à la règlementation du travail domestique

 

[1] Fond des Nations Unies pour la Population, Ministère de la Santé Publique, Les violences basées sur le genre facilitées par la technologie en Tunisie : Prévalence, types et impact sur la qualité de vie et la santé mentale des victimes, Tunis 2023.

[2] الأمم المتحدة، مكتب الأمم المتحدة المعني بالمخدرات والجريمة، دراسة شاملة عن الجريمة السبرانية، فيفري 2013.

[3] الأمم المتحدة، مجلس حقوق الإنسان، تقرير المقررة الخاصة المعنية بالعنف ضد المرأة، أسبابه وعواقبه على العنف ضد النساء والفتيات على الإنترنت من منظور حقوق الإنسان، (على الشيكة)

 Htpps://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Session38/…/A_HRC_3847_En.docx

 

 

[4]  https://legislation-securite.tn/fr/law/45656

 

[5] Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, O.N.U, 1993, Article 2, (En ligne)

https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/declaration-elimination-violence-against-women

[6] Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Seuil, Paris, 1998.  

[7] Isabelle HARE & Aurélie OLIVESI, « Analyser les cyberviolences au prisme du genre”, Questions de communication [Online], 40 | 2021, (Online since 01 June 2022), connexion on 24 August 2023. URL: http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/27108

[8] Ibid.

[9]La cyberviolence envers les femmes », in Couples et familles, (en ligne) https://www.couplesfamilles.be/index.php?option=com_content&view=article&id=617:la-cyberviolence-envers-les-femmes&catid=6&Itemid=108#nb20 

[10] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Editions du CRIDIF, Tunisie, 2021, p42 (Texte en arabe).

[11] Suzie DUNN, « Is it Actually Violence? Framing Technology-Facilitated Abuse as Violence », (En ligne),

https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/978-1-83982-848-

520211002/full/pdf

[12] Dorra MAHFOUDH DRAOUI, Le cyber harcèlement sexuel une nouvelle forme de violence basée sur le genre, Fondation Friedrich Ebert Stiftung, Tunisie, 2020.

 

[13] HUGUES Constantin, LAURENCE Olivier, « Face extime sur Facebook : un point de vue personnel » Emotions en contexte numérique, in Cahiers de praxématique, N° 66, 2016.

[14] Dorra Mahfoudh,

[15]  Francis GUIBAL, « Violence, discussion, dialogue. La responsabilité politique du philosophe selon É. Weil », in Archives de Philosophie, 2011/2 (Tome 74), pp305-317, (En ligne), https://doi.org/10.3917/aphi.742.0305

 

[16] Voir l’enquête Nationale sur les violences de genre de l’ONFP (2011) et La violence fondée sur le genre dans l’espace public du CREDIF (2016).

[17] Sadok HAMMAMI, La violence envers les femmes dans les médias sociaux, Edition du CREDIF, Tunis, 2020, p49. (Texte en arabe).

[18] Ibidem.

[19] Digital Report 2020 pour la Tunisie 2 Source: www.digital-discovery.tn (01/01/2019

[20] https://www.digital-discovery.tn/chiffres-reseaux-sociaux-tunisie-2023

[21] https://index.woorank.com/en/reviews?countries=TN&technologies=google-analytics

 

[22] Patricia VENDRAMIN, « TIC et genre : Regards multiples », in Open Edition Journals, Tic & Société, vol.5, n°1/2011.

[23] Dorra MAHFOUDH DRAOUI, Le cyber harcèlement sexuel une nouvelle forme de violence basée sur le genre, Fondation Friedrich Ebert Stiftung, Tunisie, 2020.

[24] République Tunisienne, Instance Nationale des Télécommunications, Observatoire de l’INT, Enquête sur l’Utilisation d’Internet et des Réseaux Sociaux en Tunisie, 2021, (En ligne),

http://www.intt.tn/upload/files/Rapport%20Enqu%C3%AAte%20.pdf

[25] Patricia Vendramin, « TIC et genre : Regards multiples », Op. Cit.

[26] Dorra MAHFOUDH DRAOUI, Le cyber harcèlement sexuel une nouvelle forme de violence basée sur le genre, Fondation Friedrich Ebert Stiftung, Tunisie, 2020.

[27] Maryse JASPAR, Les violence contre les femmes, Editions La découverte, Collection « Repères », Paris, 2005.

[28] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Editions du CRIDIF, Tunisie, 2021, p42 (Texte en arabe).

[29] https://www.facebook.com/femmesdemocrates

[30] Catherine BLAYA, « Les ados dans le cyberespace : Prises de risque et cyber violence », Actes du colloque sur les cyber-violences sexistes et sexuelles, Centre HUBERTINE AUCLERT, Paris, 25 novembre 2014, p 8.

[31] Olfa YOSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Op. Cit

[32] Fatiha SAIDI, Violence électronique-virtuelle à l’égard des femmes activistes dans l’espace public, Aswat Nissa, Tunis, Avril, 2023 (texte en arabe).

[33] Ibidem.

[34] Dorra MAHFOUDH DRAOUI, Le cyber harcèlement sexuel une nouvelle forme de violence basée sur le genre, Op. Cit.

[35] Les entretiens.

[36] Page Facebook d’une victime.

[37] Fatiha SAIDI, Violence électronique-virtuelle à l’égard des femmes activistes dans l’espace public, Op. Cit.

[38] Sadok HAMMAMI, La violence envers les femmes dans les médias sociaux, Edition du CREDIF, Tunis, 2020, p49. (Texte en arabe).

[39] Fatiha SAIDI, Violence électronique-virtuelle à l’égard des femmes activistes dans l’espace public, Op. Cit.

[40] Les entretiens.

[41] Les entretiens.

[42] La cyberviolence envers les femmes », in Couples et familles, Op. Cit.

[43] Ibidem.

[44] Pierre BOURDIEU, (1980), Le sens pratique, Paris, Édition de Minuit, pp187-188.

 

[45] Page Facebook d’une victime

[46] Ibidem.

[47] Dorra MAHFOUDH DRAOUI, Le cyber harcèlement sexuel une nouvelle forme de violence basée sur le genre, Op. Cit.

 

[48] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Op. Cit.

[49] Ibidem.

[50] Ibidem

[51] Ibidem.

[52] Les entretiens.

[53] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Op. Cit.

[54] Les entretiens.

[55] Les entretiens.

[56] Les entretiens.

[57] Sadok HAMMAMI, La violence envers les femmes dans les médias sociaux, Op. Cit.

[58] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Op. Cit.

[59] Sadok HAMMAMI, La violence envers les femmes dans les médias sociaux, Op. Cit.

[60] Olfa YOUSSEF, Sondes GARBOUJ, La violence numérique contre les femmes en Tunisie, Op. Cit.

 

[61] Les entretiens.

[62] Les entretiens.

[63] Les entretiens.

[64] Fatiha SAIDI, Violence électronique-virtuelle à l’égard des femmes activistes dans l’espace public, Op. Cit.

[65] Yves TYROD , Stephan BOURCET,  Les adolescents violents, Clinique et prévention, Denoël, Paris, 2000.

[66] CREDIF, Les représentations sociales des violences faites aux femmes chez les hommes, jeunes et adultes, Etude de terrain, Tunis, 2018.

 

 

Author: CVDTunisie